Les Faits

Les faits avérés d'enquête orientée

  • 1 -

    Un inspecteur de police a déclaré avoir constaté la présence d’un rocher dans l’étang du Rompu pour expliquer les traces de coup sur le visage. Or des personnes présentes au moment de la sortie du corps et les photographies prises le jour même témoignent du contraire. Le colonel de gendarmerie Jean Pépin, aujourd’hui décédé, est l’un des premiers à se rendre à l’étang Rompu, où le corps de Robert Boulin vient d’être retrouvé. Il effectue les premières constatations… avant d’être très rapidement dessaisi de l’enquête. Interrogé par Benoît Collombat en 2003, il confirme qu’il n’y avait aucun obstacle à la sortie de l’eau qui aurait pu expliquer les blessures de Robert Boulin. « Je pense qu’on avait mis le cadavre dans cet étang » , explique le gendarme, qui pense tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un suicide, au vu des premières constatations et « des traces de pas allant puis repartant de l’étang. » « Je crois que vous avez intérêt à ne pas continuer cette enquête » , lui dit alors le Procureur général, Louis-Bruno Chalret.

  • 2 -

    Les premiers gendarmes sur place constatent « des traces de pas allant puis repartant de l’étang. » Ils seront déssaisis de l'enquête dans l'heure par le SRPJ de Versailles.

  • 3 -

    La voiture est sale et couverte de boue. Pourtant, elle se trouve non loin d’une route départementale et dans un chemin empierré, non boueux. Le toit de la voiture est légèrement ouvert alors que les portes de la voiture sont fermées à clé. Sur le tapis de sol du passager, une tâche suspecte est détectée. Elle ne sera pas analysée. Les enquêteurs signalent la présence, dans la voiture, de mégots de gauloises, alors que Robert Boulin ne fumait pas de cigarettes. Aucune analyse ne sera effectuée et aucune explication ne sera trouvée. De longues traînées de doigts apparaissent sur la carrosserie. Aucune recherche d’empreintes ne sera ordonnée.

  • 4 -

    Contrairement à ce que dit une note du SRPJ de Versailles, alors que la famille en avait besoin, la voiture du ministre ne lui est rendue qu’au bout d’un mois par les autorités judiciaires. Malgré l’expertise qui aurait du être pratiquée, des cassettes de dictaphone sont retrouvées par la famille sous la banquette arrière de la voiture.

  • 5 -

    Le bristol retrouvé sur le tableau de bord indique, dans un style indirect : « embrassez éperdument ma femme». Le bristol comporte deux écritures différentes, attribuées de manière non certifiée à Robert Boulin. Aucune recherche d’empreinte sur le bristol ne sera effectuée. Il est aussi indiqué sur le bristol «la clé de ma voiture est dans ma poche droite». La clé est pourtant retrouvée par terre non loin de la voiture.

  • 6 -

    Une boucle d’une des chaussures du ministre est manquante. Elle ne sera jamais retrouvée. Le gilet de Robert Boulin est, sans explication, entièrement décousu dans le dos, une poche du veston arrachée. Aucune analyse des vêtements ne sera jugée utile durant l’enquête préliminaire. Le portefeuille est resté sec, mais aucune information ne fut donnée sur l’endroit où il a été retrouvé.

  • 7 -

    Robert Boulin a quitté à 15h00 le ministère du Travail avec une pile de dossiers secrets, déposée par son inspecteur de Police dans le bureau de son domicile. Un dossier portant la mention « à n’ouvrir que sur ordre formel de ma part » est retrouvé vide dans la voiture du ministre. Ces dossiers ne seront jamais recherchés.

  • 8 -

    Le rouleau encreur de la machine à écrire du bureau de Robert Boulin, où il aurait tapé, selon la thèse officielle, ses lettres dites posthumes, ne fut pas saisi immédiatement. Au contraire l’inspecteur qui interroge Eric Burgeat, le 30 octobre 1979, tape sa déposition sur la machine personnelle du ministre (comme l’indique la déposition elle-même !). Elle sera saisie plus tard, et disparaîtra dans les locaux de la police judicaire sans avoir été analysée.

  • 9 -

    Les Policiers n’ont pas auditionné, au cours de l’enquête préliminaire, messieurs Guy Aubert, Patrice Blank et Roger Thiery, qui sont passés au domicile de Robert Boulin dans la soirée du 29 octobre 1979, alors que leurs noms sont cités immédiatement par la famille.

  • 10 -

    Dans les jours qui suivirent le décès, deux inspecteurs de Police débarquent à minuit au domicile du maire de Saint-Léger-en-Yvelines. Ils lui demandent de les accompagner à la mairie, en pleine nuit, afin de leur donner accès au registre d’état civil, où sont inscrits l’heure et le jour de la mort de Robert Boulin. Fallait il accréditer qu’il était mort vers 20H afin que l’on ne cherche pas ce qui c’était passé la nuit? Le premier certificat de décès faisait apparaître l’heure de la découverte du corps le lendemain matin, soit 8H45, en attendant l’enquête sur le dernier repas avalé.

  • 11 -

    Peu après, Max Delsol, inspecteur chargé de la protection de Robert Boulin depuis 18 ans, est venu chercher le gendre du ministre, Eric Burgeat, pour l’emmener dans une voiture de la police judiciaire de Versailles à la mairie de Saint-Léger-en-Yvelines afin de lui faire contresigner le registre d’Etat civil, où le jour et l’heure de décès avaient été modifiées. Quand, quelques années plus tard, la famille a porté plainte pour « faux en écriture publique », elle a été déboutée sur l’argument que la famille aurait ainsi cautionné les ratures portant sur l’heure et le jour du décès, alors qu’Eric Burgeat avait alors simplement obtempéré à la demande de la police. On concéda à la famille Boulin que le faux en écriture privé était constitué mais le délai de prescription de ce délit était écoulé.

  • 12 -

    Quelques jours après la disparition de Robert Boulin, « sur ordre de Paris » (sans informer, ni la famille du défunt, ni Monsieur Basty, le responsable du bureau libournais de Robert Boulin) toutes les archives du ministre entreposées à son domicile-bureau de Libourne sont transportées aux fins de destruction dans un établissement libournais spécialisé. Trois semaines plus tard, une nouvelle vague de destruction a été effectuée, sans que la famille n’en soit avisée. Les dossiers sont cette fois, transportés par des camions de gendarmerie.

  • 13 -

    Le scellé contenant le sang de Robert Boulin est volé sans effraction dans les locaux mêmes de l’IML en 1980. L’enquête effectuée après dépôt de plainte par l’expert responsable de l’IML n’est pas versée au dossier pénal. L’enquête n’a pas abouti. On ne retrouvera jamais le bocal.

  • 14 -

    Les scellés contenant le pharynx, le larynx et la langue ont également disparu.

  • 15 -

    Le Préfet de Police de Paris, Monsieur Jean Daubigny, ordonne la destruction de la série bis des prélèvements, conservés par le froid dans un réfrigérateur qui avait été fermé à clé par précaution à l’Institut médico-légal après le vol du bocal contenant le sang du ministre. La destruction est exécutée par Michelle Rudler, directrice de l’IML, sans que la famille ni le magistrat instructeur n’en soient avertis alors que seule l’autorité judiciaire est habilitée à prendre cette décision sauf conditions particulières, non remplies dans le cas d’espèce (6 ans après un non-lieu et à condition que la famille en soit informée). Un courrier de l’expert de l’IML dépositaire des scellés, le Professeur Roger Le Breton, avait pourtant averti le préfet Jean Daubigny de toutes ces modalités et insistait sur la nécessité de conserver ces prélèvements. La partie civile porte alors plainte pour « destruction de preuves ». La justice reconnaîtra l’élément de fait (les preuves ont bien été detruites) et la demande fondée en droit (les pièces ne devaient pas être détruites), mais la partie civile sera quand même déboutée, « l’intention de nuire » n’étant pas reconnue!

  • 16 -

    Lorsque le juge Corneloup décide de procéder à l’analyse anatomopathologique des poumons, on constate alors que les bocaux contenant ces organes, conservés à l’IML, ont disparus. Ils auraient été fort inopinément transférés au cimetière de Thiais. La police, après enquête, explique au juge qu’un monument à la gloire des donneurs d’organes a été élevé sur l’exact emplacement des voliges renfermant les prélèvements recherchés et que le coût pour casser ce monument et sa reconstruction serait de 250 000 francs, entièrement aux frais de la partie civile. Plus tard, il s’avère que le monument ne se trouve pas à l’endroit indiqué. Il se situe simplement à l’entrée du carré réservé aux indigents. Après cette révélation, la recherche des bocaux contenant les poumons de Robert Boulin est ordonnée par le juge Corneloup. Malgré des recherches approfondies dans les voliges enfouies au cimetière de Thiais, aucun bocal contenant des poumons n’a été retrouvé ni, a fortiori, aucun bocal contenant ceux du ministre.

  • 17 -

    Aucune audition ne pourra être faite des policiers en faction devant le domicile de Neuilly de Robert Boulin. Quand le juge Corneloup a décidé de rechercher ces policiers pour les interroger, la police a tenté de cacher leur existence.

  • 18 -

    Une fois prouvée la présence de ces policiers en faction 24h sur 24, ce sont les registres de présence du commissariat de Neuilly qui ont disparu. Pourtant ces auditions permettraient de reconstituer précisément les allées et venues au domicile de Robert Boulin dans la soirée du 29 octobre.

  • 19 -

    Le juge Corneloup, qui voulait entendre le postier de Montfort-L’Amaury, n’a pu l’auditionner. Selon la Brigade criminelle, il a été muté à la Guadeloupe. Le postier, retrouvé par des journalistes en consultant l’annuaire, était en fait affecté à un poste en Bretagne.

  • 20 -

    Malgré les demandes réitérées de la famille à différents ministres de la justice, l’extradition d’Henri Tournet, l’homme qui a vendu le terrain de Ramatuelle à Robert Boulin, n’a jamais été requise sous le prétexte que la justice ignorait où il se trouvait. Or le juge Corneloup lui-même ira l’interroger en se rendant à son domicile légal à Ibiza.

  • 21 -

    Robert Boulin se savait menacé. Il avait laissé une lettre au mois de septembre 1979 à sa fille Fabienne intitulée : « Instructions à Fabienne s’il devait m’arriver un accident » ou il précise « dormez dans la salle à manger pour protéger votre mère ». Robert Boulin confia quelques jours auparavant à sa femme : “Ils nous tueront tous”. Les menaces écrites adressées à Robert Boulin, conservées par son inspecteur de police ne furent jamais versées au dossier. Aucune audition de Fabienne Boulin-Burgeat au cours de cette même enquête préliminaire, malgré sa demande.